P.B. Fabritchnyi et K.V. Pokholok - Spectrometrie mossbauer et son application a la caracterisation des materiaux (797054), страница 22
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Onsait que les moments magnétiques de V3+ (3d2) au sein de la phase monocliniquesont ordonnés antiferromagnétiquement. Pour cette raison les spectres de 119Sn4+,comme on pouvait s’y attendre, comportaient une composante magnétiquementéclatée qui traduisait la polarisation de spin de la couche électronique des cationsd'étain. Les mesures Mössbauer réalisées en fonction de la température ont enoutre permis de mettre en évidence deux effets inattendus (Fig.
48).Fig. 48. Variation de H(T) pour les ions 119Sn4+ au sein de V2O3 [48].La courbe en pointillé représente la fonction de Brillouin pour S = 1 (V3+ : 3d2) ; TN = 200 K.Une telle variation de H(T) signifie que le passage de V2O3 de l’étatparamagnétique à l’état antiferromagnétique est dû â la transformation structurale(et non pas l’inverse). Autrement dit, la valeur de TN = 200 K doit être considéréecomme un point de Néel fictif de la phase monoclinique qui n’existe plus à cettetempérature.91Conférence 11Application des cations sondes diamagnétiques à l’étude de l’interfacesolide-gaz et des réactions se déroulant à la surfaceLes matières traitées aux premières conférences de ce cycle permettent deconclure que la spectrométrie Mössbauer, au moins dans sa version de mise enœuvre la plus courante (enregistrement des spectres d’absorption), ne peutcertainement pas être considérée comme une technique de caractérisation de lasurface.
Cela est dû au grand pouvoir de pénétration du rayonnement γ. Parconséquent la contribution spectrale des atomes superficiels dans le spectreintegrale, hormis les systèmes très dispersés, est-elle le plus souvent négligeablepar rapport à celle associée aux atomes présents au cœur des particules. Lasituation devient différente lorsque les atomes Mössbauer sont ceux d’impureté etlorsque l’on arrive à les localiser immédiatement à la surface des particules. Dansce cas les informations contenues dans les spectres Mössbauer caractériserontsélectivement l’environnement local des atomes sondes superficiels ainsi que leschangements y survenant par suite des réactions chimiques se déroulant àl’interface.
L’importance toute particulière de tels processus pour la Chimie, estévidente : il suffit de mentionner l’exemple de la catalyse hétérogène.Pour localiser les atomes sondes dans les sites du type superficiel il est a prioripossible d’avoir recours à diverses méthodes. Une d’entre elles est fondée surl’imprégnation du produit support étudié avec une solution contenant un élémentMössbauer approprié. Le produit imprégné est séché et ensuite recuit pourpermettre à l’atome Mössbauer de « s’insérer dans la structure de la surface ».Toutefois, ce stade est difficile à contrôler: si la température n’est passuffisamment élevée une partie de la substance déposée restera en dehors ducomposé support; en revanche, si la température est trop élevée l’agentd’imprégnation pénétrera à une profondeur excessive.
La température optimale derecuit peut considérablement varier d’un cas à un autre (puisqu’elle dépend de lavitesse de diffusion du composant d’impureté utilisé et de sa solubilité effectivedans le composé support particulier) et sa détermination devient donc un problèmedélicat. Une autre complication provient du fait que le système impureté-dopant,ainsi créé, se trouve à un état hors d’équilibre. Cela peut entraîner une variationultérieure de la répartition du dopant, considérée initialement comme optimale, lorsde l’utilisation ultérieure du matériau dopé. De tels processus sont souventobservés dans les catalyseurs modifiés par introduction d’additifs superficiels oùils peuvent devenir la source de l’instabilité des performances, connue sous le nomde vieillissement.Parfois la localisation des atomes dopants dans les sites superficiels peut êtreatteinte autrement.
A cette fin, on peut notamment profiter de l’impact del’atmosphère gazeuse qui est susceptible de faire changer l’état de valence, et parconséquent, les types de coordination des atomes constituant l’interface. Il estétabli que dans certaines substances les atomes d’impureté peuvent92« spontanément » se déplacer du cœur à la surface pour achever la formation decette dernière. Cela permet donc d’obtenir des échantillons, ayant la mêmecomposition chimique, qui comporteront le dopant, soit au cœur des particules, soità l’interface solide-gaz en fonction de l’atmosphère de recuit.
Par conséquentl’étude Mössbauer de tels substances ouvre la possibilité non seulement decaractériser la répartition du dopant dans le matériau étudié, mais égalementd’accéder aux informations concernant le mécanisme de l’impact modificateur dudopant sur les propriétés fonctionnelles du matériau gouvernées par la surface.Cr2O3 dopé à 119SnAvant de procéder à la discussion des spectres Mössbauer des cationsd’impureté il convient de rappeler que l’oxyde du chrome (III) possède la structurecorindon et devient antiferromagnétiquement ordonné au- dessous du point de NéelTN = 308 K (Fig.
49). Au sein du Cr2O3 les ions Cr3+ occupent les sitesoctaédriques formés par les anions oxygène.Fig. 49. Orientation des momentsmagnétiques de Cr3+ dans la maille deCr2O3.Cr2O3 contenant 0,12% at. Sn4+ dans le cœur des cristallites [49]Les échantillons concernés ont été obtenus par coprécipitation des ions Cr3+ etSn4+ (enrichis à 92 % en isotope 119Sn) suivie par recuit à l’air (pendant 6 h à 723K) du précipité formé de CrSnx(OH)3+4x.Les spectres de 119Sn (Fig.
50) ont permis d’aboutir aux conclusions suivantes :• Les ions d’étain sont présents au degré d’oxydation +4, comme en témoignele faible déplacement isomérique par rapport à la source Ca119mSnO3 (δ =+0,20 mm/s).• Le passage de l’oxyde de chrome à l’état antiferromagnétique estaccompagné par la polarisation de spin des ions Sn4+ (apparition del’éclatement hyperfin magnétique aux températures au-dessous de TN). Cechangement atteste donc la présence de ces ions dans la structure de Cr2O3.93• Dans le spectre de basse température deux systèmes de raies d’éclatementhyperfin sont observés. Cela met en évidence la répartition des ions Sn4+ surdes sites à environnement cationique, « magnétiquement actifs », nonéquivalents ;• La contribution spectrale du sextuplet caractérisé par le champ transféré leplus fort (HA = 140 kOe) est 2 fois supérieure à celle associée au champ le plusfaible (HB = 90 kOe).Fig.
50. Spectres de 119Sn obtenusaprès recuit à l’air d’un échantillond’hydroxyde de chrome (III) contenantles ions coprécipités Sn4+ (0,12 % at.) ;(a) Tmes = 300 K ; (b) Tmes = 80 K.AbsorptionV, mm/sV, mm/sLa présence de deux composantes spectrales est à attribuer à la compensation decharge nécessitée par l’introduction de l’ion Sn4+ par formation des lacunes VCr,selon le schéma 3Sn4+ + VCr → 4Cr3+, avec une localisation de la lacune àproximité d’un cation dopant Sn4+ (ce dernier sera donc privé de l’un de ses voisinsmagnétiques).
Puisque les lacunes se créent à raison 1 VCr pour 3 Sn4+, l’apparitionde deux sextuplets, dont les contributions spectrales sont dans le rapport 2 : 1,suggère qu’un tiers des lacunes de chrome sont engagées comme paires{Sn4+- VCr}.• Dans la structure de Cr2O3 chaque cation Cr3+ (ainsi l’ion Sn4+ qui occupeson site) possède quatre voisins Cr3+ à spins électroniques parallèles. Troisd’entre eux, situés dans le plan (111) sont coplanaires avec le cation origine ;le quatrième voisin se trouve, à une distance la plus courte du site considéré,sur l’axe ternaire [111] passant par le cation origine.
Trois voisins dans leplan (111) sont donc équivalents. Par conséquent, si la lacune VCr étaitlocalisée à la place de l’un d’entre eux, la valeur de HA pour un ion Sn4+ dansle site à environnement local complet aurait été égaleHA = 3 h(111) + 1 h[111] = 3(140 – 90) kOe + h[111] ≥ 150 kOe,où h(111) et h[111] sont les contributions provenant des cations voisins Cr3+94correspondants.Etant donné que cette valeur hypothétique dépasse celle de HA = 140 kOeexpérimentalement observée, le sextuplet associé à HB doit être attribué à l’ionSn4+ comportant une lacune voisine VCr le long de l’axe [111].
Il s’en suit que lacontribution h[111] vaut environ 30 kOe.Cr2O3 contenant les ions d’étain à la surface des cristallites [50]Les spectres Mössbauer (Fig. 51), obtenus après recuit sous H2 à 1200 K del’hydroxyde coprécipité Cr(OH)3:Sn4+, sont très différents de ceux que nousvenons de discuter.Le spectre enregistré au-dessus du point de Néel, à 320 K, avec l’échantillon setrouvant, lors des mesures, toujours sous H2, est constitué d’une superposition dedeux doublets quadripolaires. L’un est caractérisé par le déplacement isomérique δ1= + 2,69 mm/s et l’éclatement quadripolaire Δ1 = 2,14 mm/s, tandis que pour l’autre lesvaleurs δ2 = + 2,78 mm/s et Δ1 = 1,95 mm/s sont observées [51].Les paramètres indiqués montrent sans ambiguïté que ces deux doubletsproviennent des ions Sn2+ dotés d’une paire d’électrons non engagés.
LeurcaractèrestéréochimiquementAbsorption, %actif, révélé par l’éclatementquadripolaire très important,0implique la présence de ces ions320 Kdans les sites à faible nombre de3coordination (NC = 3).Cette conclusion donc exclutla présence des cations Sn2+ dans6les sites octaédriques et, parconséquent, elle permet derejeter leur localisation dans le0cœur des cristallites de Cr2O3. Aune température de mesure2légèrement inférieure à TN = 31010 KK un élargissement magnétique4apparaît dans le spectre, cet6élargissements’accentuantrapidementavecle-505refroidissement progressif deVitesse,mm/sl’échantillon. Un telle évolutiondu spectre atteste la participationFig.
51. Spectres Mössbauer de 119Sn,2+des ions Sn aux interactionsobtenus in situ à deux températures différentes,magnétiques de Cr2O3 et doncaprès recuit de CrSnx(OH)3+4x sous hydrogène àl’appartenance de ces ions à1200 K [51].l’oxyde étudié. Enfin auxtempératures Tmes << TN le spectre révèle deux systèmes de raies d’éclatementhyperfin. Chacun de ces deux « sous-spectres » met en évidence l’existence desinteractions hyperfines combinées de 119Sn. Il s’agit d’un couplage simultané95magnétique et quadripolaire de force comparable.
Ainsi ce spectre ne laisse plus dedoutes quant à la présence des ions Sn2+ en tant que centres d’impureté au sein del’oxyde de chrome antiferromagnétique. L’analyse du spectre à 10 K a permis deconclure que la majorité des ions Sn2+ est localisée dans la première couchecationique adjacente à la surface, dans des sites représentés à la fig. 52.Lacune d’O2-Fig.